Fête nationale – Discours du 1er août 2016 et 1989

Vous trouverez ici le discours original de Jean Tinguely de 1989 ainsi que sa version remodelée pour 2016. Les photos se trouvent ici.

Version 2016

ORATEUR N°1 – M. Jean Winiger (comédien, Jean Tinguely)

Chers Amis, Mesdames et Messieurs, chère commune de Fribourg, Je n’ai encore jamais tenu un discours de fête et il ne m’est pas possible d’en tenir un. Je ne peux parler que de manière polémique. Je ne peux être qu’agressif. Je ne peux qu’essayer d’être fidèle à mon propre caractère. Il est révolutionnaire dans mes œuvres : j’ai cherché à déranger les sculpteurs dans le monde entier, à fâcher le marché de l’art : Ce n’est que dans ce sens que je peux être orateur. Je me suis préparé un joli programme, les textes étaient écrits. Ce programme, je ne l’ai pas retrouvé ce matin et l’ai recommencé. C’est un programme de revendication en sept points. Il ne s’agit absolument pas d’un discours de fête, il s’agit d’une annonce de combat.

Silence en bas !

Le point 1 concerne l’Utopie. Certains parlent d’utopie. Que veut dire déjà le mot utopie ? Je m’inscris en faux contre cela. Je dis qu’il y a des problèmes, nous avons un tas de problèmes. En Suisse, nous avons par exemple un problème, celui du père turc et de son enfant qui ont franchi le col et de cet enfant qui est mort dans les bras de son père. Pareille chose ne doit plus arriver en Suisse. C’est indigne de nous autres confédérés. Là, nous devons faire quelque chose. Nous devons trouver une solution claire qui nous fasse honneur.

Le point 2 qui m’importe aussi : pas de béton. Nous avons assez de béton, cela marche bien, il y a partout des grues. On bâtit à tort et à travers. Nous ne devons pas encore plus bétonner.

ORATEUR N°2  – M. Marc Fahrni, Syndic de la Verrerie

Je fais une proposition constructive, bien pensée, bien réfléchie. Cela constituerait un événement mondial, un événement qui ferait sensation partout dans le monde et qui serait digne de nos institutions démocratiques : il s’agit d’une nouvelle constitution. Nous devrions imaginer une nouvelle constitution qui ferait de notre pays le premier au monde à avoir une représentation parlementaire équitable entre hommes et femmes ; qui ferait que, dans tous les parlements communaux, cantonaux ou nationaux, il y aurait partout un nombre égal d’hommes et de femmes.

Mais ceci constitue plutôt un vœu. Car il faut dans un premier temps demander aux femmes si elles sont d’accord de participer. Et je sais que l’on a peur de cela. Quand on voit combien les hommes parlent, moi par exemple à l’instant, combien ils peuvent caqueter, parlementer. Il est possible que cela soit pénible pour les femmes, mais nous devons demander aux femmes de participer. Et à vrai dire indépendamment du fait que cela leur plaise ou non. (…)

Je demande cela, c’est une revendication personnelle. On devrait changer la Constitution dans une forme qui tienne du miracle. Il est clair que ce serait un miracle-miracle (sic !) qu’une telle chose aboutisse. J’ai le droit, en tant qu’artiste, d’être le dernier à avoir encore quelques illusions. Je dois aussi en avoir en permanence dans mon travail. J’aimerais que l’on considère mon idée de rénovation de la Constitution comme très importante.

Cela me rappelle quelque chose que j’ai lu récemment dans une revue. Il était écrit : « Qui sauve le monde ? » Je sais déjà qui a détruit le monde : la folle organisation technologique masculine mise en place par ce monde masculin. Et il est clair que si quelqu’un peut sauver ce monde, ce sont les femmes. En participant, en contribuant aux prises de décisions, en ayant quelque chose à dire. (…)

C’est mon point n° 1 : toutes les femmes 50 à 50 au parlement. Je vous fais remarquer de toute urgence que c’est là en fait le point principal de mon discours.

ORATEUR N° 3 –  M. Martial Wicht, Syndic de Neyruz

Le point 3 ne prendra que peu de temps, c’est l’armée dont nous nous occuperons, (…)

Personnellement, je trouve que notre armée est belle. Je l’aime. Je trouve que c’est la plus belle armée, je trouve qu’elle est plus sexy que les autres armées. Et je suis très pro-armée. (…) L’armée est bonne, je suis pour et je l’aime chaudement. Les larmes me viennent presque chaque fois que je pense à elle. J’ai toujours des réactions émotionnelles. Et c’est la seule forme sous laquelle je peux découvrir mon patriotisme. (…)

L’armée ne devrait pas complètement tomber entre les mains de technocrates qui feraient que nous n’aurions plus dans les airs que de gigantesques machines qui ne pourraient être pilotées que par des spécialistes. J’aimerais bien que l’on conserve à notre armée son caractère de milice, car c’est cela qui me plait, mais je demande là aussi de trouver une solution pour une participation égale des femmes. Je réclame donc que nous ayons une armée qui soit à nouveau plus joyeuse, plus drôle. Avec nos armes à petit calibre cela ne pose aucun problème. Nous n’avons pas de guerre au programme. L’armée est donc une sorte d’institution de paix.

Entre nous – cela ne fait pas partie du discours – la paix que nous avons, avec trois cent dix-huit mille nouvelles immatriculations automobiles l’an passé, est naturellement aussi une forme d’état de guerre. Et je crois que nous en sommes actuellement à peu près au point où l’on peut dire que la paix est depuis longtemps la guerre, la guerre de la consommation. Mais je n’ai pas du tout dit cela, cela ne fait pas partie du discours. C’est pourquoi l’armée est peut-être un instrument pacifique.

Je n’ai que de petites revendications, qui pourtant m’agacent les nerfs. Cela m’énerve, particulièrement en tant que Fribourgeois, qu’il y ait en Suisse des vaches sans cornes. J’aimerais que cela cesse tout de suite, que l’on y mette un terme comme à l’élevage industriel des porcs. L’histoire de l’élevage des porcs que nous connaissons ici est une tragédie.

ORATEUR N°4 –  M. Thierry Steiert, Syndic de Fribourg

(en allemand) An die Jugend habe ich ein dringendes Anliegen. Ich finde, dass es zu viele junge Menschen hat, die zu lange warten, Kinder zu haben. Ich finde, man sollte sich sofort, kaum dass man eine grössere Liebe hat, dazu entscheiden, Kinder zu haben. Noch bevor man daran denkt, ein Haus zu bauen. Es gibt so viele Tragödien, Betontragödien, Backsteintragödien, wo junge Leute erst bis 28 warten, bis sie ein Haus haben, dann heiraten sie, oder heiraten vorher und bauen dann ein Haus, und sie verschieben und verschieben und nehmen die Pille, gut, das geht mich nichts an, wenn jemand die Pille nimmt. Aber nun weiss man doch, dass es doch ein wenig Verspätung hat beim Kinderkriegen. Und ich finde, Kinderkriegen ist etwas Lustiges, und je jünger die Eltern sind, desto besser.

(continuer en français 🙂 À ce point, vous ne devez ni siffler ni rire ni lancer des œufs pourris. Je le pense vraiment. C’est beau quand la jeunesse a des enfants, et cela ne me dérange absolument pas que quelqu’un ait des enfants et continue à étudier. Et c’est très bien si l’on a encore des grands-parents. Et on en a des masses, on élève des kilos de grands-parents, et les grands-parents roulent sans interruption d’Einsiedeln à Sarnen ou de Lausanne à Saint Gall dans ces autobus, c’est effrayant.

C’est une bêtise, nous devons faire attention, nous avons atteint une limite d’âge élevée, moi-même j’aurai l’AVS l’an prochain, nous devenons de plus en plus vieux grâce surtout à la formidable science des médecins, de la technique. Et peu à peu, le pays est dominé par des vieux.

Pour lutter contre cela, j’encourage les jeunes : faites des enfants tôt et sans réfléchir, les parents vont bien payer. – Macht die Kinder früh, und unüberlegt, die Eltern zahlens schon! Je ne sais pas si cela fait partie de mon discours. À vous de décider!

ORATEUR N°5 –  M. Hans-Peter Wessels, Regierungsrat des Kantons Basel-Stadt

Ich habe noch ein Anliegen. Es ist ein Anliegen, keine Forderung: Aber absolut sofort, wenn‘s geht: Alle Kinder sollten Englisch lernen. Nicht, damit wir in der Welt stark dastehen, das auch, aber vor allem, weil es die Sprache ist, die uns in der Schweiz helfen könnte, dass wir einander unter uns wieder verstehen würden. Es ist einfach die Zweitsprache, es ist eine technische Sprache, es ist die Sprache, die man einfach können muss.

Es gibt Leute, die das schon gefordert haben. Einfach automatisch ab dem sechsten Jahr: Englisch. Sie singen englisch, sie rocken englisch, sie sind anglofiziert ob Sie wollen oder nicht. Ich finde, das wäre sehr gut, interfederal, interschweizerisch, denn für die Welschen ist es ausgeschlossen, deutsch zu lernen. Das gibt es nicht. Und wenn sie nach Basel kommen, fallen sie auf den Hintern. Oder bei Thun, oberhalb Thun ist Feierabend, man versteht nichts mehr.

Ich verstehe ja nicht mal den Luginbühl, normalerweise. Ich muss immer zweimal fragen: was hat er gesagt? Es ist ein derart babylonischer Zustand von Völkersalat, den wir haben bei uns in der Schweiz, darum fordere ich (Englisch), damit ein Welscher auch mit einem St.Gallen Mädchen reden kann. Es wäre „sauglatt“, wenn wir alle miteinander sofort englisch reden könnten. Es würde keine englische Nation geben, jeder könnte in seinem Dorf bleiben, jeder könnte seine Dorfsprache weiterreden. Und ich bin sicher, dass der Umstand, dass wir alle englisch könnten, keinen Einfluss hätte auf das halbkomische, bizarre Appenzellisch beispielsweise.

Versuchen Sie einmal, einem Appenzeller zuzuhören oder einem St.Gallen, das ist ja wahnsinnig, nicht? Unsere föderalistischen Kerneigenschaften könnten wir weiterpflegen und wir hätten keine Probleme mehr, mindestens als Lausanner in Basel herumzulaufen. Denn das ist heute ein Problem, glauben Sie mir.

ORATEUR N°6 – Mme Marie Garnier, Présidente du Conseil d’Etat du Canton de Fribourg

Maintenant, j’en suis au point 6. Démantèlement du pouvoir central de Berne. Je suis bien sûr opposé au pouvoir central, je le trouve bien trop puissant et à travers le développement technique de la société industrielle moderne, l’État devient toujours plus gros et gros, nous devons donc faire attention.

Je réclame que l’on renforce les structures fédéralistes et fasse attention à ce que la force que nous possédons, l’idée confédérale, et pas l’idée de base, qui est nationaliste, la Suisse, je parle de l’idée de base, que chaque canton, chaque commune, chaque communauté puisse conserver son caractère. Et l’on voit bien que la différence entre nos peuples en Suisse est grande. Considérez un Zurichois et un Bâlois, c’est fou, ou des Tessinois, des Appenzellois ou des Fribourgeois, tous sont si particuliers et si différents, je trouve cela merveilleux.

C’est pour cela aussi que j’estime que la Suisse est un modèle valable pour l’Europe. L’Europe à laquelle nous voulons adhérer ou non. Cela aussi, c’est un problème, que l’on peut résoudre facilement : chaque canton devrait adhérer à l’Europe, mais pas toute la nation. Ce n’est pas là manifester un petit esprit cantonal, le Kantönligeist – non, j’appelle cela : fédéralisme. (…) Si les Bâlois ont envie d’entrer dans l’UE, et aussi les Zurichois, on peut les laisser faire, mais je sais que les Uranais et les Fribourgeois ne veulent pas adhérer à l’UE. Ce n’est pas un problème. Nous devrions laisser la décision aux cantons, et ne pas à notre gouvernement fédéral à Berne. Nous pourrions par exemple encore voter à ce sujet, ce serait aussi drôle. Au moins, nous pouvons voter sur cela. C’est fantastique. (…)

Donc l’adhésion à l’Europe est importante, chaque politicien vous le dira aujourd’hui, Mais pas à pas, canton par canton, on peut y aller quand on veut y aller, c’est beaucoup mieux ainsi.

ORATEUR N°1 – M. Jean Winiger (comédien, Jean Tinguely)

Le point 7 est le plus important. C’est le même que le point 1.

Appel à toutes les femmes. Une exhortation. Qu’elles acceptent de participer dans tous les parlements. Qu’elles s’y ennuient ou non, que cela leur fasse plaisir ou non. Participer à tous les parlements.

Et de fait, comme je le revendique, cantonal, communal. Pas qu’il y ait huit hommes et trois femmes, cela ne va plus ! Au Conseil national, c’est un scandale. Les hommes doivent supplier les femmes. J’ai le temps de réfléchir à de telles choses parce que je suis artiste et que je travaille peu.

En tant que Suisse, je suis encore et toujours patriotique.


Discours de Jean Tinguely prononcé le 1er août 1989 à Dietikon, canton de Zürich, à l’occasion de la Fête nationale suisse

Chers Amis, Mesdames et Messieurs, chère commune de Dietikon, Je n’ai encore jamais tenu un discours de fête et il ne m’est pas possible d’en tenir un. Je ne peux parler que de manière polémique. Je ne peux être qu’agressif. Je ne peux qu’essayer d’être fidèle à mon propre caractère. Il est révolutionnaire dans mes œuvres : j’ai cherché à déranger les sculpteurs dans le monde entier, à fâcher le marché de l’art : j’ai partiellement réussi. Ce n’est que dans ce sens que je peux être orateur. Je me suis préparé un joli programme, les textes étaient écrits. Ce programme, je ne l’ai pas retrouvé ce matin et l’ai recommencé. C’est un programme de revendication en sept points. Il ne s’agit absolument pas d’un discours de fête, il s’agit d’une annonce de combat.

Silence là en bas.

Le point 1 concerne les festivités du 700e . Par rapport aux festivités du 700e, j’ai remarqué qu’il y a un grand flottement. Certains parlent d’utopie. Solari parle d’Utopie. Que veut dire déjà le mot utopie ? Je m’inscris en faux contre cela. Je dis qu’il y a des problèmes, nous avons un tas de problèmes. En Suisse, nous avons par exemple un problème, celui du père turc et de son enfant qui ont franchi le col et de cet enfant qui est mort dans les bras de son père. Pareille chose ne doit plus arriver en Suisse. C’est indigne de nous autres confédérés. Là, nous devons faire quelque chose. Là, nous avons un problème. Mais c’est un problème au sujet duquel je ne peux personnellement pas proposer n’importe quoi. Je vois seulement que c’est une tragédie que j’ai vécue, comme beaucoup d’entre vous sans doute. C’est quelque chose qui ne m’a pas été. Je trouve que les festivités du 700e constitueraient une bonne occasion de résoudre le problème des réfugiés comme celui des hommes qui travaillent chez nous. Nous devons trouver une solution claire qui nous fasse honneur.

Le point 2 qui m’importe aussi en rapport avec le 700e : pas de béton. Nous avons assez de béton, cela marche bien, il y a partout des grues. On bâtit à tort et à travers. Nous ne devons pas saisir cette occasion pour encore plus bétonner. Et j’ai à nouveau appris de Monsieur Solari que des centaines de toilettes devaient être construites sur les rives du Lac des quatre cantons afin que l’on puisse se promener autour. C’est risible. Qu’est-ce que cela a à voir avec notre idée fondamentale, vieille de sept cent ans ? C’est vraiment un gag. Je fais une proposition constructive, bien pensée, bien réfléchie. Cela constituerait un événement mondial, un événement qui ferait sensation partout dans le monde et qui serait digne de nos institutions démocratiques : il s’agit d’une nouvelle constitution.

Nous devrions imaginer une nouvelle constitution qui ferait de notre pays le premier au monde à avoir une représentation parlementaire équitable entre hommes et femmes ; qui ferait que, dans tous les parlements communaux, cantonaux ou nationaux, il y aurait partout un nombre égal d’hommes et de femmes. Mais ceci constitue plutôt une voeu. Car il faut dans un premier temps demander aux femmes si elles sont d’accord de participer. Et je sais que l’on a peur de cela. Quand on voit combien les hommes parlent, moi par exemple à l’instant, combien ils peuvent caqueter, parlementer. Il est possible que cela soit pénible pour les femmes, mais nous devons demander aux femmes de participer. Et à vrai dire indépendamment du fait que cela leur plaise ou non. Bien sûr, c’est parfois pénible, mais nous devons participer, la jeunesse doit participer, à tous les niveaux des parlements, afin que nous ayons une représentation permanente de la jeunesse. Il devrait par exemple y avoir vingt pour cent de jeunes de vingt ans dans tous les parlements. Ils n’auraient pas absolument besoin de toujours dire quelque chose, mais ils pourraient au moins avoir voix au chapitre, ils pourraient voter. Et, dans les moments cruciaux, ils pourraient peut-être faire quelque chose d’étonnant.

Je demande cela, c’est une revendication personnelle. On devrait changer la Constitution dans une forme qui tienne du miracle. Il est clair que ce serait un miracle-miracle qu’une telle chose aboutisse. J’ai le droit, en tant qu’artiste, d’être le dernier à avoir encore quelques illusions. Je dois aussi en avoir en permanence dans mon travail. J’aimerais que l’on considère mon idée de rénovation de la constitution comme très importante. Cela me rappelle quelque chose que j’ai lu récemment dans une revue. Il était écrit : « Qui sauve le monde ? » Je sais déjà qui a détruit le monde : la folle organisation technologique masculine mise en place par ce monde masculin. Et il est clair que si quelqu’un peut sauver ce monde, ce sont les femmes. En participant, en contribuant aux prises de décisions, en ayant quelque chose à dire. Je peux vous citer un exemple : en France, il y a un parlement. Dans le monde entier, il y a des parlements. Bon, il n’y a pas des parlements dans le monde entier, il n’y a pas des institutions démocratiques dans le monde entier, les institutions démocratiques sont encore minoritaires. On ne peut pas seulement vivre de dictature en dictature. Et je dis que la raison et l’avenir du monde dépend aussi des institutions démocratiques. Mais je trouve que ces parlements ne peuvent pas être composés uniquement de parlementaires Lobby-Business-Picadilly.

Un exemple : le parlement français a une commission pour les affaires nucléaires. Dans cette commission où tous les partis sont représentés, c’est-à-dire quatre socialistes, quatre de droite, quatre communistes etc. Dans cette commission, tous les membres sont ou ont été engagés auprès d’Electricité de France. Ce qui veut dire que c’est une blague. Je comprends que l’on prenne des personnes compétentes. Qu’est-ce qu’une institutrice, une fillette, une infirmière pourraient connaître à la sécurité des centrales nucléaires. Et pourtant, c’est un thème qui ne peut pas être résolu uniquement par les employés des entreprises électriques. C’est pourquoi j’estime que la femme, bientôt, tout de suite, aujourd’hui à l’occasion du 700e de notre Confédération – je ne dis pas de notre Suisse – j’aimerais que cela se mette en place maintenant. En tant qu’innovation mondiale. En tant que phénomène. Car partout dans le monde il y a huit pour cent, au parlement français il y a huit pour cent, en Russie il y a encore moins de femmes. Il y a donc partout dans le monde des femmes alibi dans la politique. Et cela ne va pas. Nous devons prendre les femmes entièrement, complètement, totalement. Nous devons les contraindre au partenariat dans les institutions politiques. C’est mon point 1, toutes les femmes cinquante-cinquante au parlement. Je vous fais remarquer urgemment que c’est là en fait le point principal de mon discours.

Le point 2 ne prendra que peu de temps, c’est l’armée dont nous nous occuperons, au sujet de laquelle nous pourrons voter, je trouve cela formidable. Nous pouvons voter si nous voulons une armée ou non. Personnellement, je trouve que notre armée est belle. Je l’aime. Je trouve que c’est la plus belle armée, je trouve qu’elle est plus sexy que les autres armées. Et je suis très pro-armée. Elle a découvert tant de choses. Dernièrement quelqu’un m’a dit que sans armée, il n’y aurait pas de Gothard. Une autre personne m’a dit que sans armée, il n’y aurait pas de café lutz. C’est bien possible. Et il y aurait moins de mulets. Les CFF aussi auraient souffert s’il n’y avait pas eu d’armée. Et le téléphone de ma voiture vient apparemment aussi de l’armée. L’armée est bonne, je suis pour et je l’aime chaudement. Les larmes me viennent presque chaque fois que je pense à elle. J’ai toujours des réactions émotionnelles. Et c’est la seule forme sous laquelle je peux découvrir mon patriotisme. Car mon autre patriotisme est constitué de ma double nationalité, parce que je suis bâlois et fribourgeois. Et je ne pense jamais en tant que Suisse, mais uniquement et toujours en tant que Fribourgeois. J’aimerais bien sûr qu’il y ait des régiments fribourgeois plus drôles, que l’on varie un peu plus l’armée, qu’on lui attribue d’autres caractéristiques, qu’on l’uniformise moins.

L’armée ne devrait pas complètement tomber entre les mains de technocrates qui feraient que nous n’aurions plus dans les airs que de gigantesques machines qui ne pourraient être pilotées que par des spécialistes. J’aimerais bien que l’on conserve à notre armée son caractère de milice, car c’est cela qui me plait, mais je demande là aussi de trouver une solution pour une participation égale des femmes. Je réclame donc que nous ayons une armée qui soit à nouveau plus joyeuse, plus drôle. Avec ces armes à petit calibre que nous avons maintenant dans l’armée, cela ne pose pas de problème. Nous n’avons pas de guerre au programme. L’armée est donc une sorte d’institution de paix.

Entre nous – cela ne fait pas partie du discours – la paix que nous avons, avec trois cent dix huit mille nouvelles immatriculations automobiles l’an passé, est naturellement aussi une forme d’état de guerre. Et je crois que nous en sommes actuellement à peu près au point où l’on peut dire que la paix est depuis longtemps la guerre, la guerre de la consommation. Mais je n’ai pas du tout dit cela, cela ne fait pas partie du discours. C’est pourquoi l’armée est peut-être un instrument pacifique.

Je n’ai que de petites revendications, qui pourtant m’agacent les nerfs. Cela m’énerve, particulièrement en tant que Fribourgeois, qu’il y ait en Suisse des vaches sans cornes. J’aimerais que cela cesse tout de suite, que l’on y mette un terme comme à l’élevage industriel des porcs. L’histoire de l’élevage des porcs que nous connaissons ici est une tragédie. Comme exemple par rapport à cela, je peux raconter comment cela s’est passé chez mon ami Bernhard Luginbühl. Bernhard Luginbühl a, comme beaucoup d’autre paysans, pris un cochon chez lui, deux cochons. Ursi Luginbühl a nourri les cochons, du printemps à l’automne. Et à la fin, on aimait bien sûr tellement les cochons que personne n’a songé à les tuer. Cela tout particulièrement chez Bernhard Luginbühl qui est connu comme un ami des animaux et des hommes. Ursi a laissé vivre les cochons et je crois qu’ils existent encore, qu’ils ont l’AVS ou quelque chose comme ça. En tout cas, je vois la question de l’élevage des porcs plutôt comme cela s’est passé chez les Luginbühl.

fAux jeunes, j’exprime une demande. Je trouve qu’il y a trop de jeunes gens qui attendent trop longtemps d’avoir des enfants. Je trouve que l’on devrait, dès que l’on a un grand amour, se décider à avoir des enfants. Avant même d’avoir l’idée de construire une maison. Il y a tant de tragédies, de tragédies de béton, de tragédies de briques. Les jeunes attendent d’abord d’avoir vingt huit ans, jusqu’à ce qu’ils aient une maison, ensuite ils se marient, ou se marient avant et construisent ensuite une maison, et ils remettent à plus tard, et remettent à plus tard, et prennent la pilule, bon, cela ne me regarde pas si quelqu’un prend la pilule. Mais maintenant on sait pourtant qu’on attend un peu avant d’avoir des enfants. Et je trouve que d’avoir des enfants, c’est quelque chose d’amusant, et plus les parents sont jeunes, mieux c’est.

À ce point, vous ne devez ni siffler ni rire ni lancer des œufs pourris. Je le pense vraiment. C’est beau quand la jeunesse a des enfants, et cela ne me dérange absolument pas que quelqu’un ait des enfants et continue à étudier. Et c’est très bien si l’on a encore des grands-parents. Et on en a des masses, on élève des kilos de grands-parents, et les grands-parents roulent sans interruption d’Einsiedeln à Sarnen ou de Lausanne à Saint Gall dans ces autobus, c’est effrayant. C’est une bêtise, nous devons faire attention, nous avons atteint une limite d’âge élevée, moi-même j’aurai l’AVS l’an prochain, nous devenons de plus en plus vieux grâce surtout à la formidable science des médecins, de la technique. Et peu à peu, le pays est dominé par des vieux. Pour lutter contre cela, j’encourage les jeunes : faites des enfants tôt et sans réfléchir, les parents vont bien payer. Je ne sais pas si cela fait partie de mon discours. À vous de décider.

Maintenant, j’en suis au point 4. Démantèlement du pouvoir central de Berne. Je suis bien sûr opposé au pouvoir central, je le trouve bien trop puissant et à travers le développement technique de la société industrielle moderne, l’État devient toujours plus gros et gros, nous devons donc faire attention.

Je réclame que l’on renforce les structures fédéralistes et fasse attention à ce que la force que nous possédons, l’idée confédérale, et pas l’idée de base, qui est nationaliste, la Suisse, je parle de l’idée de base, que chaque canton, chaque commune, chaque communauté puisse conserver son caractère. Et l’on voit bien que la différence entre nos peuples en Suisse est grande. Considérez un Zurichois et un Bâlois, c’est fou, ou des Tessinois, des Appenzellois ou des Fribourgeois, tous sont si particuliers et si différents, je trouve cela merveilleux.

C’est pour cela aussi que j’estime que la Suisse est un exemple valable pour l’Europe. L’Europe à laquelle nous voulons adhérer ou non. Cela aussi, c’est un problème, que l’on peut résoudre facilement : chaque canton devrait adhérer à l’Europe, mais pas toute la nation. Ce n’est pas là manifester un petit esprit cantonal – ce que me reproche toujours mon ami Lukas Burckhardt – j’appelle cela : fédéralisme. C’est autre chose de penser libéral que petit esprit cantonal. L’idée d’adhérer à l’UE de manière individuelle ne peut pas être combattue par les nations européennes, elles ne peuvent rien faire juridiquement. Si les Bâlois ont envie d’entrer dans l’UE, et aussi les Zurichois, on peut les laisser faire, mais je sais que les Uranais et les Fribourgeois ne veulent pas adhérer à l’UE. Ce n’est pas un problème. Nous devrions laisser la décision aux cantons, et ne pas à notre gouvernement fédéral à Berne. Nous pourrions par exemple encore voter à ce sujet, ce serait aussi drôle. Au moins, nous pouvons voter sur cela. C’est fantastique.

Si je pense à la pauvre France qui a complètement nationalisé, qui a de façon si sympathique totalitarisé, la grande République française qui est à ce point centralisée et à chaque fois par un nouveau roi ; nous ne sommes pas comme ça. Les particularités que possède la France, nous ne pouvons pas les utiliser en Europe. On ne peut pratiquement pas faire l’Europe parce que la France est devenue si forte. En cela que la France a construit cinquante-six centrales nucléaires et que nous, en Europe, en somme dépendants. On ne voit pas cela au premier coup d’œil jeté à la France, on croit toujours qu’elle est une sympathique république, ce qu’elle est, elle a un peuple formidable, mais c’est un peuple centralisé, c’est un peuple extraordinairement maîtrisé. Et ils ont à nouveau imposé cela, ce que nous ne pouvons pas en Suisse. Nous n’avons pas pu construire Kaiseraugst parce que nous aurions eu des problèmes avec les Bâlois ou avec les populations locales. Alors on a laissé tomber. En France, les centrales nucléaires ont simplement été construites. On a tout au plus demandé : une ou quatre ? Et la plupart du temps, ils en ont fait quatre. Donc l’adhésion à l’Europe est importante, chaque politicien vous le dira aujourd’hui, Mais pas à pas, canton par canton, on peut y aller quand on veut y aller, c’est beaucoup mieux ainsi.

J’ai encore une demande. C’est une demande, pas une exigence, mais tout de suite si possible : tous les enfants devraient apprendre l’anglais. Non pas, en premier lieu, pour se positionner de manière forte dans le monde – cela aussi – mais surtout parce que l’anglais est la langue qui nous permettrait en Suisse de nous comprendre à nouveau entre nous. C’est tout simplement la deuxième langue, c’est une langue technique. C’est tout simplement la langue que l’on doit savoir. Il y a des gens qui ont déjà exigé cela. Simplement, automatiquement, à partir de la sixième année : anglais. Ils chantent en anglais, rockent en anglais, ils sont anglicisés qu’ils le veuillent ou non. Je trouve que ce serait très bien, interfédéral, intersuisse, car pour les Romands, il est exclu d’apprendre l’allemand. Cela n’existe pas. Et quand ils viennent à Bâle, ils tombent sur le cul. Ou à Thun. Au dessus de Thoune c’est fini, on ne comprend plus rien. Je ne comprends même pas Luginbühl, normalement. Je dois toujours demander deux fois : qu’a-t-il dit ? C’est une telle salade babylonienne de peuples que nous avons.

C’est pourquoi j’encourage l’anglais, pour qu’un Romand puisse aussi parler avec une fille saint-galloise. Ce serait merveilleux si nous pouvions tous immédiatement parler anglais. Cela ne déboucherait pas sur une nation anglaise, chacun pourrait rester dans son village, chacun pourrait continuer à parler la langue de son village. Et je suis persuadé que le fait que nous saurions tous l’anglais n’aurait par exemple pas d’influence sur le semi-comique et bizarre appenzellois. Essayez une fois d’écouter un Appenzellois ou un Saint Gallois, c’est fou, non ? Nous pourrions continuer à soigner nos particularités et n’aurions plus de problème, du moins pour un Lausannois de se promener à Bâle. Pour l’heure, c’est un problème, croyez-moi.

Le point 7 est le plus important. C’est le même que le point 1. Appel à toutes les femmes. Une exhortation. Qu’elles acceptent de participer dans tous les parlements. Qu’elles s’y ennuient ou non, que cela leur fasse plaisir ou non. Participer à tous les parlements. Et de fait, comme je le revendique, cantonal, communal. Pas qu’il y ait huit hommes et trois femmes, cela ne va plus ! Au Conseil national, c’est un scandale. Les hommes doivent supplier les femmes. J’ai le temps de penser à de telles choses parce que je suis artiste et que je travaille peu. En tant que Suisse, je suis encore et toujours patriotique.